Bonjour Madame la Présidente de Social Watch Bénin, avez-vous le sentiment d’une égalité entre les sexes dans le numérique au Bénin ?
La fracture numérique entre les sexes est un défi à relever par l’Afrique en général et particulièrement, par les pays de l’Afrique de l’Ouest comme le Bénin. En dépit du cadre normatif et des efforts financiers importants engagés par le Gouvernement, l’égalité entre les sexes n’est pas encore effective dans le domaine du numérique compte tenu des réalités auxquelles sont confrontées les femmes et filles dans notre pays.
En effet, on constate pour plusieurs raisons, une faible présence des femmes et des filles dans les métiers du numérique. D’abord, elles ne sont pas orientées très tôt vers cette filière. Si dans les milieux urbains, un travail a commencé par se faire en faveur des filles dans des écoles et collèges, tel n’est pas le cas en milieu rural où plusieurs facteurs hypothèquent encore leur chance à s’intégrer dans la génération numérique.
Le défaut de la disponibilité continue en quantité, en qualité de l’énergie électrique et de la connexion internet ainsi que leurs coûts, la méconnaissance de la kyrielle d’emplois qu’offre le numérique, etc. sont autant de facteurs limitants au droit d’accès équitable audit secteur.
Il faut tout de même reconnaître les efforts déployés par l’Etat ces dernières années avec les initiatives ci-après :
- Lancement du microcrédit mobile à l’endroit des femmes et des filles (2019) ;
- L’effectivité du Portail National des services publics, fonctionnel 24 h sur 24h, 7 jours sur 7 et qui améliore la jouissance du droit d’accès à l’information publique à partir d’un terminal connecté : Smartphone, ordinateur, PC, tablette. Cette plateforme numérique permet également de consommer les services publics partiellement ou complètement dématérialisés. (2020) ;
- La vente ou l’achat en ligne qui permet de vaincre l’espace et le temps et le cas échéant, un gain de ce dernier.
Mais, l’accès des femmes et des hommes à ces progrès dans le secteur du numérique est différencié en raison de la pauvreté intellectuelle et monétaire de la gente féminine qui n’est pas encore autonome.
Pensez-vous que les droits des femmes et des filles dans les espaces numériques y sont protégés ?
Les possibilités croissantes créées par le digital doivent être pensées par et pour les besoins et priorités des femmes car le développement technologique s’accompagne malheureusement d’abus que nous devons combattre, telles que les cybers violences sexistes et sexuelles. Au Bénin, le phénomène de la sextorsion prend de l’ampleur.
La sextorsion consiste à extorquer de l’argent en effectuant du chantage à caractère sexuel. Par exemple, l’individu malveillant contacte sa victime en indiquant posséder une vidéo où l’on peut la voir dans son intimité. Il menace ensuite de la publier s’il ne reçoit pas une somme d’argent.
De même, des cas de vente en ligne font des femmes, victimes d’escroquerie et d’abus de conscience. La sécurité, l’accessibilité, la compétence et l’alphabétisation, se révèlent ainsi être les quatre plus importants outils d’autonomisation des femmes.
Nous ne pouvons que saluer les efforts de sensibilisation de divers organismes gouvernementaux comme l’Office Central de Répression de la Cybercriminalité (OCRC) qui mènent une croisade contre la sextorsion.
Votre message à l’endroit des porteurs de responsabilités d’une part, et à l’endroit des femmes et filles d’autre part
A l’endroit des porteurs de responsabilités, nous avons un message d’exhortation au renforcement de mesures de protection des droits des femmes et des filles dans les espaces numériques.
Les Technologies de l’Information et de Communication (TIC) seront un moteur d’accélération des progrès des droits des femmes si et seulement si, elles sont autonomes de façon intégrée. Nous souhaitons vivement que les porteurs de responsabilités intensifient la lutte contre les violences basées sur le genre en ligne, facilitées par les TIC et prennent en charge les victimes.
C’est à cette seule condition que le numérique constituera un levier décisif en faveur de l’autonomisation et de la participation des femmes à la vie économique, sociale et politique.
Nous saisissons la présente occasion pour exhorter le Gouvernement à poursuivre et renforcer ses efforts dans tous les secteurs mais, prioritairement dans ceux de l’éducation, de la micro finance, de la sécurité.
Aux femmes et filles, notre message est une invite à la résilience afin de s’inscrire dans la droite ligne de l’ODD 5 qui vise à parvenir à l’égalité des sexes et à autonomiser toutes les femmes et les filles. Pour ce faire, nous les soutenons à s’engager dans des métiers de community manager, de rédactrice web, de social média manager, de chargée de clientèle, de web designer, de manager d’équipe juriste en cyber sécurité, de recruteuse de ressources humaines de talents numériques sans oublier le métier de gestionnaire de projet numérique, pour ne citer que ceux-là.